Santé

Interview du docteur Niels DeConinck, urgentiste à Shanghai

Solidarité Shanghai a rencontré le docteur Niels DeConinck, médecin urgentiste français à Jiahui. Il a travaillé comme urgentiste au Samu de Paris puis à Hong Kong et depuis 12 ans à Shanghai.  Après un passage dans un hôpital international privé de Shanghai, il est aujourd’hui responsable des urgences à Jiahui International Hospital.

SoSh : Comment fonctionnent les urgences des hôpitaux locaux en Chine ?

NDC : Il n’existe pas d’urgences au sens français du terme, c’est à dire de service où le médecin de garde est apte à prendre en charge un patient de tout âge et ce quelque soit la nature de son problème (médical, chirurgical, obstétrical…). 

Après le triage, le patient est orienté vers le spécialiste le plus adapté qui, si besoin, fera appel à des spécialistes d’autres départements. Il est donc plus difficile d’avoir une prise en charge globale du patient, surtout pour les cas complexes nécessitant de faire la synthèse et de voir au-delà de chaque organe ou système. 

Si vous êtes orientés vers la mauvaise spécialité, il y a parfois perte de temps et multiplication des examens complémentaires pas toujours pertinents.

Les spécialisations séparent aussi les adultes et les enfants. Beaucoup d’hôpitaux ne s’occupent que de l’un ou de l’autre et il est bon de se renseigner avant de s’orienter vers un hôpital.

Il existe quelques structures privées internationales dont le fonctionnement est similaire à ce qu’on peut trouver en France.

SoSh : Comment sont formés les médecins Chinois exerçants dans les structures privées?

NDC : Rares sont ceux qui ont une formation internationale complète. La plupart sont issus du système universitaire public local puis ont bénéficié des stages qui apportent une dimension internationale à leur parcours. 

Pour beaucoup, cela peut aussi se limiter à des formations en ligne dans des universités internationales. Par contre, certains vont à l’étranger pour se sur-spécialiser c’est-à-dire pour se former à un aspect très précis de leur spécialité, par exemple pour un type très particulier d’intervention chirurgicale.

SoSh : Quels hôpitaux recommanderiez-vous aux étrangers ?

NDC : Il existe différents types d’hôpitaux : les hôpitaux locaux publics et les hôpitaux et cabinets (« clinics ») privés dits « internationaux ». Ils se différencient par leurs coûts et leurs services.  

Les établissements publics locaux : la médecine proposée est différente de nos standards occidentaux, avec souvent moins d’intimité et des règles d’hygiènes moins strictes. On y attend souvent longtemps et la plupart des praticiens y parlent uniquement chinois. Les coûts sont plutôt bas mais naviguer dans le système chinois peut s’avérer long et fastidieux. Il existe cependant dans certains gros hôpitaux des services VIP dans lesquels on peut trouver des médecins parlant anglais et où la prise en charge est facilitée. Il existe trois niveaux d’hôpitaux publics, et il est préférable de s’orienter vers les hôpitaux de niveau 3A (Rujin hospital, Huashuan… ) qui sont universitaires et peuvent prendre en charge tout problème. 

Les cliniques internationales privées : Les soins sont plus similaires à ce que l’on connaît en Europe et les médecins, ayant parfois étudié à l’étranger, parlent tous au moins anglais. Gérées comme des entreprises, ces établissements pratiquent souvent des tarifs élevés, mais la prise en charge est jugée plus fiable et pratique pour les étrangers. Il convient cependant de se renseigner un peu sur les gammes de prix et la qualité des soins avant de faire son choix ! Le plus cher n’est pas toujours le meilleur…

SoSh : Comment se rendre à l’Hôpital en cas d’urgence ?

NDC : Chaque province est organisée différemment. A Shanghai, les choses sont simples car il n’existe qu’un seul système d’ambulances, qui est gouvernemental et très performant pour les urgences vitales (infarctus du myocarde, rupture d’anévrisme cérébral…). 

Il n’y a donc qu’un numéro à connaître, le 120 ! Ce centre d’appel a un service en anglais 24h/24 mais l’équipe qui viendra vous prendre en charge (généralement un médecin junior, une infirmière et un chauffeur) ne parlera probablement que chinois. 

En dehors des urgences vitales, (pour lesquelles vous serez orientés vers l’hôpital universitaire le plus proche), vous pouvez choisir votre hôpital de destination. Une fois arrivé, vous devrez payer le service, directement au chauffeur (en cash ou alipay). La place est limitée dans l’ambulance, donc en général un seul accompagnant est possible, et cela est laissé à la discrétion des ambulanciers.

Pour la plupart des situations (hors urgence vitale, ou difficultés à se déplacer comme en cas de fracture ou traumatisme sévère), privilégiez un taxi qui vous conduira à l’hôpital de votre choix souvent rapidement.  

Pour les situations comme les attaques cérébrales ou les infarctus du myocarde, le temps est précieux et plus le traitement est initié rapidement, plus le pronostic est favorable. C’est ce qu’on appelle la « Golden Hour » pour le traitement.

Il faut donc éviter de perdre du temps et se rendre directement dans le centre le plus proche apte et pleinement équipé pour la prise en charge de ces problèmes.

SoSh : Quels conseils donneriez-vous pour se préparer à une urgence ?

NDC :

  • Préparer un plan d’urgence pour savoir où aller (vérifier la prise en charge de son assurance et repérer l’hôpital universitaire le plus proche de votre domicile, s’enregistrer dans un hôpital international au préalable.
  • Se former aux premiers secours. Ces formations sont souvent proposées par les hôpitaux internationaux ou cliniques privées, Community center et Shanghai Oh Secours…
  • Anticiper ses méthodes de paiements (connaître vos plafonds de paiement)
  • Bien choisir et bien connaître son assurance

Sosh : Est-il intéressant d’appeler le Samu français / international pour un pré-diagnostic avant de se rendre à l’hôpital

NDC : Cela me paraît être une perte de temps pour les urgences vitales et les opérateurs en France ne connaissent pas les spécificités de Shanghai ou de la Chine. Leurs conseils et orientations ne seront peut-être pas adaptés.

Sosh : Faut-il prioriser certains hôpitaux quant à la recherche d’un diagnostic ? Internationaux ? Médecins français ? 

NDC : C’est au cas par cas. Le mieux est d’avoir un référent santé de confiance (en France par exemple), joignable en cas de problème et de connaitre les hôpitaux proches en cas de gros pépin !

Sosh : Où va-t-on en cas de fièvre en période de Covid ? 

NDC : Les réglementations changent très fréquemment. Certaines cliniques ont le droit de voir des patients fébriles mais chaque district est libre de sa politique et peut modifier les règles à tout moment donc le mieux est de vérifier le jour même avec la clinique de son choix et de connaître la « fever clinic » officielle du gouvernement, la plus proche. Une Fever clinic sera toujours apte à voir des patients présentant de la fièvre. 

Sosh : Comment sont soignés les cas de Covid ? 

NDC : La communication sur ce sujet est très limitée et je n’ai pas d’information directe fiable sur les protocoles utilisés actuellement dans les hôpitaux habilités à prendre en charge ces patients.

Sosh : Comment se soigner en voyage en Chine ? Comment sont les secours dans les lieux isolés ? Comment sont les urgences dans les hôpitaux de province ?

NDC : Mieux vaut prévoir une trousse d’urgence avec tous les médicaments de confort et ceux dont on peut avoir besoin pour les petits problèmes et blessures. Dans les grandes villes, les soins sont similaires aux hôpitaux locaux de Shanghai (privilégier les gros hôpitaux universitaires), mais en milieu rural, cela peut être impressionnant. En cas de vraie urgence, il n’y a pas le choix mais il ne faut pas s’attendre à un service 5 étoiles en termes de communication ou d’hygiène.

Merci Docteur pour vos explications et conseils !

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